Tout est design !
Depuis un certain nombre d’années, le design est mis à toutes les sauces : Design produit, Design graphique, Design numérique, Design sonore, Design UI/UX, Design industriel, Design thinking, … le terme « design » est même plus tendance que « digital ». Tellement utilisé qu'il veut tout dire et rien à la fois ; presque un buzzword !
Dans l’inconscient collectif, il devient parfois même un adjectif : « Être design ! » Ce qu’il faut traduire par « moderne », « tendance », « beau »… C’est « Design », quoi !
De l’autre côté, on entend beaucoup de voix dire : « Le design, c’est bien », « Le design est la clé de l’innovation », « Le design permet de se démarquer de ses clients », « Les entreprises investissant fortement dans le design multiplient leurs parts de marché par 1,5 », …
Les décennies passent, et pourtant, on en est quasiment toujours au même point !
Cet état de fait est particulièrement vrai en France, où cette discipline peine à trouver sa vraie place dans l’entreprise, en raison d’une vision erronée ou d’une incompréhension de ce qu’est le design ; et la pluralité des profils de designers n’y est pas anodine non plus. On pourrait presque en arriver à dire qu’il y a autant de définitions de ce qu’est le design qu’il y a de designers !
L’origine linguistique
Pour commencer à comprendre le design, penchons-nous sur son origine. Le mot « Design » trouve ses racines dans le terme latin « Designare ». En français, ce terme a donné naissance à deux mots :
- « Dessin » : la représentation
- « Dessein » : le but, l’objectif, la raison pour laquelle un projet est entrepris
Ainsi, grâce au design, une idée naît et devient concrète par le dessin. Le concept, jusqu’alors impalpable et n’étant qu’une idée en l’air, une parole, peut devenir un sujet d’échange. Le dessein devient réel car il a une représentation. Cette image permet un partage sans incompréhension. Le « Ouais, ouais, je vois bien ce que tu veux dire… » n’est plus sujet à interprétation. On peut dès lors partager et avoir une vision commune afin d’apporter un jugement sur l’idée.
Un héritage culturel
La France, leader sur le marché du luxe, a une longue tradition culturelle axée sur les arts, l'artisanat et l'esthétique. Un domaine où l’on aime particulièrement mettre en avant les créations et leur créateur. Le design dit « de création » travaille sur de l’objet, du mobilier, de la haute couture, … de l’édition en petit série.
De cette perception, le designer est souvent mis en valeur pour son côté « artiste » ; une vision qui peut le décrédibiliser quant à sa capacité à s’intégrer dans un contexte économique et industriel.
Pourtant l’émergence de la démarche design est intrinsèquement lié à la révolution industrielle et son incorporation dans les processus de développement de produits. S’il était industriel à la base, le "design" englobe dorénavant un large champ d’intervention et doit donc être utilisé pour décrire la discipline qui implique la conception créative, fonctionnelle et esthétique d'objets, de systèmes et d'expériences.
Tout peut être designé !
En tant que synonyme de « conception », le design est présent dans tous les objets qui nous entourent, des produits que nous utilisons aux espaces dans lesquels nous vivons et travaillons. Tout a été conçu avec une certaine intention et une esthétique spécifique. Même les interfaces numériques que nous utilisons sur nos smartphones et ordinateurs sont le fruit d'un processus de conception.
À la différence d’une démarche de conception d’ingénierie visant à répondre à un cahier des charges sur des besoins et contraintes, faisabilité technique, optimisation de processus, … et qui souvent reposent en partie sur un savoir-faire, un état de connaissances établies, le design est lui fondamentalement axé sur la résolution de problèmes de façon plus exploratoire. Sa pratique prend sa source dans l’analyse des besoins des utilisateurs pour identifier les problèmes existants, les points de friction dans les interactions afin de proposer des solutions créatives et fonctionnelles. Quel que soit le domaine (conception de produit, interface utilisateur, espace de vie, processus de service, …), le design apporte une approche réfléchie et stratégique pour répondre au problème au profit de l'expérience de l’utilisateur. Ainsi, les deux démarches se complètent parfaitement dans le processus de développement de produits et solutions.
Bien plus que de l’apparence
Le rôle du designer ne se limite pas simplement à définir l'apparence des choses. Si l’esthétique peut être discutable et sujette à des partis pris, le rôle du designer est avant tout de travailler sur l’expérience de l’utilisateur avec son sujet d’étude et d’apporter une réponse positive à l’usage afin d’influencer le comportement.
Si « La laideur se vend mal » de Raymond Loewy peut amener à associer le design à la société de consommation et faire penser qu’il n’est qu’un argument commercial par l’esthétique pour vendre toujours plus, ce n’est qu’une facette.
Depuis toujours, la véritable démarche design prend en compte tous les aspects et enjeux de contexte pour nourrir sa réflexion. À l’heure où l’on pense économie d’énergie, consommation raisonnée, économie circulaire, low-tech, ces nouveaux paramètres ont toujours fait partie de la boîte à outils du designer et il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Il ne s’agit que d’une évolution des pondérations dans les paramètres des équations avec lesquelles les designers ont déjà l’habitude de travailler depuis bien longtemps.
Ainsi, un « bon » design peut avoir un impact significatif sur les résultats d’une entreprise ou d’une organisation. Un produit bien conçu peut se démarquer sur le marché, attirer les clients et générer des ventes. Une interface utilisateur intuitive peut améliorer l'adoption d'une application ou d'un logiciel. Un espace de travail bien conçu peut favoriser la productivité et le bien-être des employés. Autant d’exemples qui démontrent que le design ne se limite pas à une simple esthétique, mais qu'il a un réel impact sur les performances et les résultats.
Intégrer le design en tant qu’investissement
Enfin, il est important de souligner que si l’univers startup est particulièrement friand des méthodes du design du fait qu’elles répondent à leur besoin d’agilité, il est important de constater que les grandes entreprises intègrent les designers, et ce, à des postes de plus en plus stratégiques. Ces deux extrêmes ont souvent une conviction stratégique de l’innovation, un besoin de renforcer des équipes opérationnelles en y apportant une vision « out of the box » ou une nécessité de diversifier les points de vue et nouvelles pratiques en interne, pour se montrer capables d’évoluer et de s’adapter aux bouleversements des marchés.
Entre les deux, il faut que les TPE-PME, qui possèdent souvent un grand savoir-faire, s’emparent de ces sujets. Elles sous-estiment, par trop souvent, le rôle du design dans la création de valeur qu’il peut leur apporter ; souvent parce qu’elles le perçoivent, à tort, comme un coût. Elles doivent désormais raisonner en termes d’investissement, et comprendre le rôle du design dans la création de valeur, l’innovation et la compétitivité.
Le design comme outil de différenciation
Dans un marché saturé, le design est un outil puissant pour se démarquer. Les entreprises qui investissent dans le design créent des produits et services qui non seulement répondent aux besoins de leurs clients mais qui le font d'une manière qui est esthétiquement plaisante et fonctionnelle. Cela peut transformer des utilisateurs occasionnels en clients fidèles, augmenter la valeur perçue des produits et services, et permettre à l'entreprise de justifier des prix plus élevés.
Le design pour l'innovation et l'amélioration continue
Le design n'est pas un processus linéaire. Il s'agit d'une démarche itérative, où l'expérimentation, le prototypage et le retour d'expérience jouent des rôles cruciaux. En adoptant une approche centrée sur l'utilisateur et en intégrant des cycles rapides de test et d'apprentissage, les entreprises peuvent innover plus rapidement et de manière plus efficace. Le design thinking, par exemple, encourage cette culture de l'innovation en mettant l'accent sur l'empathie, la définition des problèmes, la génération d'idées, le prototypage et le test.
Le design dans la culture d'entreprise
Pour maximiser l'impact du design, la démarche design doit être intégrée dans la culture d'entreprise. Cela signifie que tous les membres de l'organisation, des dirigeants aux employés de première ligne, doivent comprendre et valoriser le rôle du design.
La formation, les ateliers de co-création et les projets collaboratifs sont des moyens efficaces pour diffuser une culture du design au sein de l'entreprise.
Conclusion
Le design est bien plus qu'une simple question d'esthétique. Il s'agit d'une approche stratégique qui peut transformer tous les aspects de l'entreprise, de la conception de produits et services à la création de valeur ajoutée et à l'innovation. En reconnaissant l'importance du design et en l'intégrant pleinement dans leurs processus et leur culture, les entreprises peuvent se différencier, innover et atteindre de nouveaux niveaux de succès.
Le design est omniprésent, et il est temps pour les entreprises de le mettre au cœur de leur stratégie.